Cette série est composée d’un choix de quelques chroniques insolites relevées dans la presse quotidienne : Le Monde, ou hebdomadaire Courrier International. Les textes de ces chroniques sont mis en page dans l’espace d’une image photographique évoquant le contenu du texte avec un certain décalage ou un certain humour. L’ensemble constitue des variations d’images pour un même texte.
Trop prier tue - Courrier International, décembre 2004
Les catholiques les plus dévots risquent un cancer du poumon, à en croire les chercheurs du département d’analyse sanitaire de l’université de Maastricht. Responsables, les microparticules libérées par l’encens et les cierges. Le degré de pollution mesuré dans la cathédrale de Maastricht, après neuf heures de combustion des cierges, était entre douze et vingt fois supérieur au seuil fixé par l’Union européenne, pire que celui d’une zone fréquentée par 45 000 véhicules par jour. Les personnes les plus exposées sont les prêtres, indique le European Respiratory Journal, mais les fidèles qui « passent plusieurs heures par jour à l’église peuvent aussi être affectées ».
Hips ! - Courrier international, avril 2006
« Les porcs britanniques se nourrissent depuis des années d’énormes quantités d’alcool de contrebande saisi par les douanes. Plus de 17 millions de litres de bière, de vin et de spiritueux d’Europe continentale ont servi à fabriquer de la pâté pour porcs ou de l’engrais entre 2001 et 2005. Des champs de maïs ont été aspergés de cidre et des centaines de tonnes de tabacs de contrebande ont été incinérés pour fournir de l’électricité au réseau national », nous apprend le Daily Telegraph.
Chaque été, des jeunes des villages de la vallée d’Ossau (Pyrénées-Atlantiques) montent aux alentours du 15 août vers les sommets pour cueillir des edelweiss. Par bassines entières. En 2004, les membres du comité des fêtes de Bielle se sont vantés d’avoir ramené plus de 5 000 de ces fleurs qui poussent à plus de 2 000 mètres d’altitude. L’edelweiss, contrairement à l’ours qui rôde encore dans ces montagnes béarnaises, n’est pas strictement et partout protégé en France. Il appartient aux préfets d’en règlementer le statut dans chaque département. Dans les Hautes-Alpes, la cueillette est interdite depuis 1993 dans six communes et limitée à la contenance de la main d’une personne adulte sur le reste du territoire. Elle est tolérée jusqu’à dix fleurs dans les Alpes de Haute-Provence.
Au cœur de la zone centrale du Parc national des Pyrénées, les randonneurs qui voudraient imiter l’équipée des jeunes autochtones béarnais en ramenant ne serait-ce qu’une fleur en souvenir de leur excursion en vallée d’Ossau risquent néanmoins de se voir dresser un procès-verbal par les gardes du Parc. Le ramassage des végétaux rares ou non, est totalement prohibé sur l’ensemble du territoire des parcs nationaux. Mais les autorités du Parc national des Pyrénées détournent pudiquement les yeux de ce braconnage floristique massif qui s’achève pourtant au vu et au su de tous, par la vente des edelweiss aux touristes et aux habitants lors des fêtes de village.
« Traditionnellement, les jeunes conscrits de Laruns devaient offrr un edelweiss à leur promise », explique Marion Tarery, une étudiante en ethnologie de l’université Toulouse-Le Mirail qui a suivi les garçons du village dans leur expédition de cueillette. La légende pyrénéenne raconte que, dans la vallée voisine de Gavarnie, trois jeunes Aragonaises qui avaient refusé les avances fleuries de bergers ossalois ont été transformées en pierre. Fondateur du jardin botanique du Tourmalet, Serge Rieudebat regrette de voir cette tradition noyée dans le mercantilisme. « Les jeunes qui vont aujourd’hui cueillir les edelweiss ne connaissent plus la tradition, ils vendent les fleurs pour se faire de l’argent de poche et faire la fête », constate cet horticulteur professionnel et passionné. Il cultive lui-même des edelweiss qu’il vend, « environ 8 000 godets par an ». © Stéphane Thépot.
Braconnage traditionnel d’edelweiss dans les Pyrénées - Le Monde, août 2005.
Les mordus de la petite reine risquent-ils l’impuissance ? - Le Monde, octobre 2005
Le vélo menace-t-il le bonheur des couples ? Il pourrait, en tous cas, être mis en cause dans certaines pannes sexuelles chez l’homme, ce que l’on désigne sous le terme dysfonction érectile. Pas moins de trois études et un éditorial, publiés dans l’édition de septembre du Journal of Sexual Medicine, accusent les selles de vélo, et en particulier celles comprenant un bec effilé vers l’avant. En comprimant le périnée, zone comprise entre les organes génitaux et l’anus, ces modèles exercent une pression trop importante sur les artères et les nerfs participant au bon fonctionnement sexuel. Les mordus de bicyclette connaissent cette sensation d’engourdissement local. Peu de travaux ont été menés chez des femmes, mais la physiologie féminine étant ce qu’elle est, on peut imaginer que la compression due à la selle perturbe la vascularisation et l’innervation du clitoris. Dans un article quelque peu provocateur sur le sujet, un urologue bostonien, Irving Goldstein, n’hésite pas, en 1997, à diviser le monde du cyclisme en deux : « ceux qui sont impuissants et ceux qui le seront ».
Selon plusieurs études, 5 % des cyclistes ayant une pratique intensive souffriraient d’un trouble modéré à sévère de l’érection. Mais ce chiffre pourrait être sous-estimé du fait d’une sous-déclaration. L’article de 1997 avait au moins eu le mérite de pousser les fabricants de selles à mettre au point des modèles présumés moins traumatisant pour les entrejambes. Malheureusement, ces selles en partie évidées ou comportant un gel ne suffisent pas à faire disparaître leurs fâcheuses conséquences sur la sexualité masculine. Les études du Journal of Sexual Medicine concluent de manière convergente que plus une personne fait du cyclisme, plus elle risque l’impuissance ou, à tout le moins, une baisse de la libido. Spécialiste de la reproduction et déjà auteur, en 2002, d’une étude chez les policiers à vélo montrant qu’ils avaient moins d’érections nocturnes que leurs collègues n’utilisant pas ce moyen de transport, le docteur Steven Schrader signe l’éditorial. Il rassurera les cyclistes occasionnels, mais inquiétera ceux qui passent plusieurs heures par semaine sur leur deux-roues. © Paul Benkimoun.
Une urne écologique pour transformer les cimetières en forêts- Le Monde, octobre 2005
Quand Flocon de Neige mourut en 2003, quantité de journaux de la planète, Le Monde inclus, se rent l’écho de la nouvelle. Flocon de Neige était l’une des vedettes du zoo de Barcelone, le seul gorille albinos du monde, en captivité. On sut moins, en revanche, ce qu’il advint de sa dépouille mortelle. Le grand singe blanc fut incinéré et ses cendres disposées dans le premier prototype de l’urne Bios, conçue par le studio Azuamoliné, qui associe les deux designers espagnols Martin Ruiz de Azua et Gerard Moliné.
Bios est une urne d’un genre un peu spécial : fabriquée uniquement avec des matériaux biodégradables (écorce de noix de coco et cellulose), elle contient de la tourbe et... une graine d’arbre. On y ajoute les cendres du disparu, qui contribueront à faire grandir l’arbre une fois l’urne enterrée. « Quand j’étais petit, se remémore Gerard Moliné, j’avais l’habitude de jeter les cendres du feu que nous faisions sur les racines d’un arbre. Plus tard, j’ai relié ce souvenir au problème des urnes conventionnelles ».
Les inventeurs de l’urne Bios ont l’ambition de développer un nouveau rite funéraire, plus en phase avec les préoccupations environnementales et les symboles d’aujourd’hui. « Un rituel écologique qui aide à éviter la déforestation et résout de nombreux problèmes d’espace dans les cimetières, ajoute Gerard Moliné. L’urne Bios transforme le rituel de l’inhumation en une régénération et un retour à la vie par le biais de la nature. Les cimetières se transforment en forêts ». L’urne devrait être commercialisée à partir de janvier 2006. Elle est fabriquée dans un centre barcelonais de réinsertion pour personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires. La graine de base est celle du chêne, mais les familles peuvent en changer si elles le désirent. Quant à Flocon de Neige, ses cendres ont été enterrées, le 23 avril 2004, avec la graine d’un arbre africain, le marronnier du Cap. © Pierre Barthélémy,
La malédiction de la momie - Le Monde, novembre 2005
Otzi est le nom donné à un corps congelé et momifé découvert fortuitement par un randonneur le 19 septembre 1991 à 3 200 m d’altitude, dans le massif alpin de Dolomites, à la frontière entre l’Autriche et l’Italie. La datation au carbone 14 a permis de démontrer qu’Otzi avait vécu entre 3 350 et 3 100 avant J.-C. Il était chasseur, portait un arc et des èches, mesurait 1,59 m, pesait 40 kg et son dernier repas a été constitué de céréales, de cerf et de bouquetin. Il est mort des suites d’une blessure dans l’épaule gauche iinfligée par une pointe de flèche. Voilà les faits. Venons-en à la malédiction.
La dernière victime en date de la momie est le spécialiste en biologie moléculaire Tom Loy, de l’université de Brisbane, en Australie. Il conduisait des analyses d’ADN prélevées sur Otzi. Il a été retrouvé mort le 21 octobre à son domicile australien. Il souffrait d’une infection du sang depuis une douzaine d’années, sa maladie ayant été diagnostiquée peu après qu’il eut examiné Otzi, sur lequel il s’apprêtait à publier un livre. La liste compte pour l’instant sept personnes. Le randonneur qui avait découvert Otzi est mort de froid l’an dernier après s’être perdu dans une vallée à proximité de l’endroit où il l’avait trouvé. Le guide de montagne envoyé à sa recherche a été foudroyé par une crise cardiaque une heure après les funérailles du précédent. L’archéologue qui a été le premier a examiner la momie est mort d’une sclérose en plaques. le chef de la mission scientifique consacrée à Otzi est mort alors qu’il se rendait à une conférence qu’il devait donner sur la momie. Et là, on atteint le surnaturel, il est mort dans une voiture ! C’est dingue, non ? Il manque deux personnes dans cette liste. L’une est un journaliste. On n’en dira pas plus. Toutes ressemblances avec Les sept boules de cristal, dans cette affaire est due sûrement à notre imaginaire commun. Tintin ? © Dominique Dhombres,
H5N1, nouvelles du front - Courrier international, mars 2006
La découverte de 40 oiseaux morts à Vienne la semaine dernière a semé un vent de panique, mais l’autopsie de jaseurs boréaux a montré que la grippe aviaire était hors de cause. Les volatiles s’étaient gavés de baies fermentées et étaient si saouls qu’ils ont percutés les fenêtres, indique Der Standard. Selon les services vétérinaires, les oiseaux présentaient un foie d’alcoolique. En Belgique, La Ligue royale belge pour la protection des oiseaux (LRBPO) s’inquiète de la psychose liée à la grippe aviaire, qui pousse les propriétaires de canaris, perruches et autres perroquets à relâcher leurs oiseaux dans la nature. « La LRBPO rappelle que le H5N1 n’a pas touché la Belgique et que la plupart des oiseaux relâchés n’ont aucune chance de survivre. A l’opposé, les espèces parvenant à s’adapter risquent de perturber l’avifaune indigène », écrit La Libre Belgique. Quant à la Tour de Londres, elle a bouclé ses fameux corbeaux pour les protéger de la grippe aviaire, lit-on dans le Daily Telegraph. Selon la légende, la forteresse et le royaume s’écrouleront si les volatiles venaient à disparaître.
Fin de l'année 2000, je propose à Sylvie Corroler d'effectuer un travail journalier en 2001 : je prendrai une photo par jour, elle écrira une phrase par jour. Nous habitons à 500 kilomètres de distance et nous nous enverrons ce qui a été réalisé tous les mois. Chaque trace journalière est totalement autonome et reflète la captation du jour de chacune. En 2002, nous décidons d'inverser les rôles : Sylvie fera une photo par jour et moi j'écrirai une phrase par jour. La présentation de ce travail est un ensemble de diptyques composés des mêmes dates à un an de distance. Toute phrase qui semble écrite pour la photo qui lui est attribuée, ainsi que toute photo qui semble prise pour le contenu du texte qu'elle présente est pure coïncidence, due au seul hasard.
En 1999, je décide de mettre en scène les messages des répondeurs téléphoniques sous trois formes différentes. La première partie comprend une centaine de polaroids agrandis en photocopies couleurs au format A3. Ce sont des vues prises à l'intérieur de l'appartement où est situé le répondeur. Ces vues sont photographiées le jour des messages contenus dans la boîte, correspondant à une unité de temps (le jour), de lieu (l'appartement où circule la voix de l'émetteur de message) et même d'action (la voix). Ces messages sont inscrits à la main, sur le polaroid du jour à l'aide de lettres-poinçons.
La deuxième partie est une installation sur les murs des morceaux de portraits des émetteurs de messages. Il y a une vingtaine de portraits en plusieurs morceaux et chaque photo est au format 20 x 30 cm. Un extrait des différents messages de la personne est présenté. La troisième partie est une classification des messages en fonction de leur contenu, transcrits sur un format A3, avec en-tête une frise de portraits au polaroid. Un livre d'artiste a été tiré en 10 exemplaires.
La troisième partie est une classification des messages en fonction de leur contenu, transcrits sur un format A3, avec en-tête une frise de portraits au polaroid. Un livre d'artiste a été tiré en 10 exemplaires.
Hommage à la cabane d’Hippolyte, située au bord de la crique de la Roche percée à Clohars-Carnoët (Finistère).